texte de Mara Cantoni

photographies de Silvia Lelli Masotti

Cette Norma

Nous restituer Norma. Presque cent cinquante ans nous séparent de ce moment, de cette vie d’opéra, petits et grands événements, caprices, attentes, carrosses, les vêtements des dames, l’écho de Napoléon, espoirs, salons, rivalités, officiers autrichiens. Giuditta Pasta, Giulia Grisi, Domenico Donzelli, noms, commandes, imprésarios, billets, un livret pour l’occasion, un théâtre, un public: 1831, à la Scala. Bellini, son école, sa personnalité, son écriture.

Nous restituer Norma. Nous, aujourd’hui. Loin. Cette vie n’est pas la nôtre, nous sommes autres, nous sommes loin. Un taxi, moyen de transport parmi tant d’autres pour venir des bureaux, du travail, traversant les méandres d’une ville; puis nous entrons dans le théâtre, rituel connu et conscient, nous nous asseyons à notre place, et nous regardons, écoutons. À nouveau, Norma dans un théâtre, pour nous. Bellini, sa personnalité, son écriture. Des gens habillés comme nous, ayant traversé la même histoire que nous, ayant lu les mêmes livres, la réinventent dans le spectacle qui nous appartient.

Nous restituer Norma. Des feuilles, des notes, des signes. Mystérieusement, objet parmi tant d’images, la partition est une présence archaïque dans un présent qui n’est pas le sien. Bellini, son écriture.
La partition autographe est la seule Norma qui soit restée égale à elle-même lors de la mutation des structures et des superstructures. Entre la partition et le spectacle, la tentative de ne trahir aucune des deux vérités: ni celle de l’opéra, ni la nôtre.